Le braquage du siècle: quand le vol de notre attention nous dépossède de nous même

Le plus grand vol de notre époque n’a pas lieu dans une banque, mais dans nos esprits. Chaque seconde d’attention est captée, exploitée et monnayée à notre insu. Sous l’influence d’une manipulation permanente orchestrée par des forces en quête de profit, sommes-nous encore réellement maîtres de nos pensées ?

ESSAI

2/8/202515 min read

Introduction :

« Connais-toi toi-même », nous disait Socrate. Telle est l'essence de la quête philosophique. Quatre mots simples qui résument une aventure titanesque, remplie de pièges, de faux tournants et d'ennemis embusqués.

La distraction est la plus insidieuse ; elle se tapit en nous-mêmes et nous empêche de faire le premier pas sur le chemin de la découverte intérieure. Obsédé par des désirs puérils, en constante recherche de validation et de récompenses, un esprit distrait est comme une feuille d'automne ballottée par le vent.

L’attention et le temps deviennent alors les ressources les plus précieuses pour façonner une bonne vie — si précieuses, nous le verrons, qu'elles sont l'objet des plus féroces convoitises. Mais sans vision claire de ce qui constitue une vie qui vaut la peine d'être vécue, nous gaspillons notre temps précieux et dissipons notre attention.

Le phénomène est universel et intemporel. Il y a 2 000 ans déjà, dans sa toute première lettre à Lucilius, Sénèque avertissait : « La plus grande partie de la vie se passe à mal faire, une grande part à ne rien faire, et la totalité de la vie à faire autre chose que ce qu'il faudrait. »

Depuis toujours, en tous lieux, les sages ont exhorté à discipliner les esprits, à regarder en soi pour gagner en sagesse. Cette mission, déjà difficile, est devenue quasi insurmontable. Pourquoi ? Parce que notre attention est devenue la ressource la plus précieuse et convoitée de notre époque. Ce n'est plus seulement notre esprit qui lutte contre ses distractions internes, mais un champ de forces extérieures — entreprises, médias, acteurs politiques — qui déploient des stratagèmes sophistiqués pour manipuler nos pensées, modeler nos convictions et orienter nos actions à leur profit.

Cet essai se propose d’analyser comment la manipulation de l’attention dans la société moderne compromet notre capacité à mener une vie authentiquement philosophique. Dans un second temps, nous explorerons des moyens de nous en libérer.

Chapitre 1 : Une Brève histoire de la manipulation de l’esprit

Depuis la nuit des temps, États, religions et organisations en tous genres ont mis en œuvre des tactiques pour manipuler l'esprit des populations afin de façonner leurs comportements. Elles se fondent essentiellement sur la crédulité des humains, qui ont une tendance naturelle à croire aux récits fantastiques et à modeler leur vision du monde sur des illusions.

Les religions, depuis leur genèse, possèdent tous les ingrédients permettant une manipulation optimale des masses. Le christianisme, par exemple, est expert en culpabilisation, et pour cause : le Christ – né d'une femme vierge, fils de Dieu et Dieu lui-même : récit fantastique – s'est sacrifié pour racheter les fautes de toute l'humanité, qui porte en elle le péché originel, instaurant ainsi une dette morale qui encourage l'obéissance au dogme. Soulignons que le péché originel est celui d'avoir mangé de l'arbre de la connaissance du bien et du mal (Genèse 2:16-17).

Spinoza touchait juste en avançant que « Les chefs religieux ont toujours cherché à subjuguer les hommes en faisant passer leurs opinions pour des lois divines », s'appuyant sur le péché d'orgueil pour empêcher toute remise en question de la loi divine. La réflexion autonome devient alors une transgression passible non seulement de mort, mais aussi d'un enfer éternel. Pensez à Giordano Bruno, brûlé en 1600 pour avoir soutenu la thèse héliocentrique et l'existence d'un univers infini, composé d'innombrables mondes.

Le christianisme a certes le dos large, mais il n'est pas seul. Toutes les religions utilisent les mêmes préceptes. L'islam, dont la traduction signifie soumission, porte l'obéissance aveugle à Dieu et à ses préceptes jusque dans son nom.

Et lorsque Dieu en personne choisit comme représentant sur terre un roi, un pharaon ou un empereur, le peuple se doit bien de respecter ce Mandat du Ciel, aliénant ainsi, pendant des millénaires, toute possibilité de gouvernement par le peuple.

Avec l'ère moderne, les religions ont laissé place à d'autres régimes, mais les procédés sont restés les mêmes : l'exploitation des biais cognitifs humains. Le biais de répétition, qui ancre une idée par sa répétition incessante, est à la source de la propagande. Le biais d'autorité, qui légitime les doctrines en s'appuyant sur des figures charismatiques, a fait les beaux jours du communisme, du fascisme et de tous les régimes autocratiques depuis la nuit des temps.

Qu'il s'agisse de la religion ou de la propagande moderne, l'objectif reste le même : influencer les masses pour mieux les contrôler. L’avènement du système capitaliste/financier – né de la révolution industrielle et qui a pris son envol dans les années 70 – a fait naître de nouveaux besoins comportementaux chez l’individu. Et de nouveaux moyens d’y parvenir.

Chapitre 2 : La publicité et les médias comme outils de manipulation

Le nouveau mantra de l’époque: la croissance économique. La nouvelle fonction du peuple : consommer.

Au cours des 50 dernières années, la manipulation mentale, qui était jusqu'à présent basée sur de fines intuitions empiriquement prouvées, devient, grâce aux grandes avancées de la psychologie comportementale (notamment grâce aux travaux de chercheurs comme Daniel Kahneman — auteur du best-seller « Système 1, système 2 »), l'objet d'une science appliquée terriblement efficace. La compréhension des biais cognitifs humains contribue désormais à mieux comprendre les processus de prise de décision, de jugement et de choix des individus.

Une industrie entière va l'exploiter : la publicité.

Le biais de conformité sociale est, sans doute, l’outil le plus efficace dans cet arsenal. En jouant sur le paradoxe entre le « besoin d'appartenance » et le « désir d'individualité », les marques nous poussent à copier les comportements du groupe afin de nous sentir intégrés. En bref, « achète ce produit et tu seras cool comme nous ». Le « nous » étant souvent construit autour d'une contre-culture reflétant des qualités fantasmées.

Mais cela va plus loin : les marques ne se contentent pas de créer des communautés d'appartenance, elles façonnent aussi notre sentiment d'individualité. En nous vendant des produits qui prétendent refléter notre personnalité unique, elles transforment des choix de consommation en affirmations identitaires. Paradoxalement, ce que nous percevons comme des expressions de notre singularité sont souvent des réponses standardisées à des modèles collectifs.

Pensez à Apple avec son Think Different : « Voici les fous. Les marginaux. Les rebelles. Les fauteurs de troubles […] Et tandis que certains les voient comme des fous, nous voyons des génies. »
Les exemples sont infinis : Nike et son Just Do It qui valorise le dépassement de soi, les Jordans pour les jeunes urbains, Vans pour les skateurs, ou encore Harley-Davidson pour les amateurs de liberté et de rébellion.

Nous sommes dorénavant perçus comme appartenant à une communauté grâce aux produits que nous consommons, mais paradoxalement, nous croyons également forger notre identité individuelle à travers ces mêmes choix.

L'Homo Consumator manque de réaliser que ce que nous pensons être des choix issus de notre « libre arbitre » sont en réalité influencés par des tactiques narratives marketing et publicitaires orchestrées à des fins de profit.

"Le caractère et l'esprit des gens sont à tel point transformés par les mœurs régnantes que les perversions sont tenues pour la norme et les défauts pour des qualités" Tang Zhen

Et l'appétit pour le profit n'étant jamais satisfait, les marques créent, grâce aux « tendances », un cycle perpétuel d'insatisfaction qui pousse à renouveler les achats régulièrement. Être à la mode est devenu le « Graal du siècle », placé par beaucoup — trop — au-dessus de valeurs essentielles, comme la tempérance par exemple qui n'est pas compatible avec une économie en besoin de croissance.

Dans leur croisade de vente et de profit, les marques pourront s'appuyer sur un nouvel allié : les grands médias.

Lorsque l'ancien PDG de TF1, Patrick Le Lay, dit « Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau humain disponible », il est transparent sur les intentions des médias commerciaux : capter notre attention pour la revendre aux annonceurs. En d’autres termes, les médias sont conçus, non plus pour nous divertir ou nous informer, mais pour maximiser notre temps d'exposition aux messages publicitaires.

Attention + Manipulation des esprits = profits

Et les profits sont colossaux : avec un budget annuel de 1000 milliards de dollars, si l'industrie publicitaire était un État, elle serait la 16ᵉ économie mondiale.

On pourrait pardonner aux grands médias, marques et publicitaires de nous « persuader » d'acheter leurs produits. Cependant, leurs méthodes vont plus loin, en façonnant nos comportements, nos valeurs et nos aspirations, sans que nous en ayons pleinement conscience. Ce n'est donc pas simplement le portefeuille qui est ciblé mais notre esprit tout entier. Et les évolutions technologiques rendent les méthodes toujours plus perverses.

Chapitre 3 : Cambridge Analytica et la manipulation des données personnelles

Résister aux forces qui tentent de nous influencer à leur profit ne semble pourtant pas être une priorité collective. Le consentement tacite de la population et des autorités à laisser faire est sans doute une preuve d'efficacité des tactiques employées.
Plus encore, nous offrons gratuitement et « librement » l'ensemble des éléments nécessaires aux corporations et politiques pour le faire plus efficacement : les données personnelles.

Et si la publicité était jusque-là maîtresse de l'influence, l'essor du numérique a donné une dimension inédite au phénomène.

L'affaire Cambridge Analytica (CA) en est le parfait exemple. En 2018, cette entreprise britannique — dont le slogan était limpide : « changer les comportements grâce aux données » — s'est retrouvée au cœur d'un scandale mondial pour avoir utilisé des données volées à des fins de manipulations électorales (entre autres : Trump 2016 et le Brexit).

Mais le « vol » des données a caché le véritable scandale : celui de l'utilisation généralisée des données personnelles à des fins de manipulation ou pour « changer les comportements ».

Comprenons que chaque action en ligne – likes, recherches, achats – laisse une trace numérique appelée donnée ou data. Celles-ci sont collectées par des plateformes comme Facebook et Google, puis revendues à des entreprises comme CA qui créent des profils psychologiques précis à l'aide d'algorithmes. Cela permet de segmenter les individus selon leurs personnalités et d'adapter des messages ciblés pour maximiser leur influence.

En suivant cette logique, CA – qui se vantait de posséder près de 5000 données sur chaque personne aux U.S.A. – était en mesure d'influencer électeurs (et consommateurs) en leur présentant un message personnalisé exploitant leurs biais cognitifs les plus efficaces.

Prenons un exemple concret : John est un citoyen américain porté sur l'abstention. Il n'est enregistré sur les listes d'aucun parti politique, mais son historique de navigation et ses likes Facebook révèlent qu'il est farouchement patriote et sensible aux questions d'immigration. CA recoupe une mine d'informations connexes sur John et utilise une méthode de psychométrie appelée BIG FIVE (ou O.C.E.A.N.) (cf. note de bas de page) pour évaluer ses traits de personnalité et adapter son message.

Lorsqu'il se rend en ligne, John est présenté à des vidéos – souvent fausses – montrant des migrants par centaines passant les frontières mexicaines. Un biais appelé illusion de causalité est utilisé pour créer un raccourci entre le taux de criminalité en Amérique et l'immigration. Puis le biais de disponibilité – qui consiste à estimer l'importance d'un sujet en relation avec la facilité avec laquelle nous pouvons le retrouver dans notre mémoire – est exploité en postant quotidiennement de nouvelles vidéos. Enfin, le biais de confirmation – ce phénomène par lequel nous cherchons naturellement des informations qui confirment nos croyances et rejetons celles qui les contredisent – termine le travail. Une touche finale d'aisance cognitive en créant un slogan fort et facile à retenir : « Make America Great Again ». John votera Trump.

Le plus alarmant est, comme le souligne Kahneman, que « la confiance (dans le message) ne vient pas de la véracité des faits, mais de la cohérence de l'histoire que nous nous racontons ».

Autrement dit : la vérité n'importe pas.

Évidemment, ces stratégies opèrent à notre insu. Un cadre de CA, filmé en caméra cachée, l'a admis : « Cela doit se faire sans que personne ne pense à de la propagande, car sinon la question devient : qui en est à l'origine ? »

Bien que CA ait été dissoute, il serait naïf de penser que des pratiques si efficaces ont disparu.

Chapitre 4 : Les réseaux sociaux ou le virage exponentiel de l’hyper-connectivité

Les forces extérieures, qu'elles soient commerciales ou politiques, ne se privent donc pas d'exploiter nos faiblesses cognitives. Et si la télévision a, pendant longtemps, été centrale dans ce processus, c'est bien le mariage du smartphone et des réseaux sociaux (RS), en créant le phénomène d'hyper-connectivité, qui l'a porté à son paroxysme.

En 2007, sortait le premier iPhone. En 17 ans à peine, ce qui était d'abord présenté comme un formidable outil de productivité est devenu l'extension de notre psyché. Il est consulté en moyenne 350 fois par jour par un Américain et capte 4 h 30 de temps quotidien (3 h 30 pour un Français — les chiffres varient mais l'idée est là). D'outil, il est passé maître, créant une forme de servitude psychologique, voire d'addiction.

Prendre son téléphone et scroller est devenu, pour beaucoup, un automatisme, un comportement par défaut.

Dans son merveilleux Philosophy and Life, le philosophe britannique A.C. Grayling nous avertit pourtant de la brièveté de notre temps sur terre. Si nous avons la chance de vivre jusqu'à 80 ans, nous disposerons alors de 960 mois de vie. Un tiers sera consacré au sommeil, soit 320 mois, et une encore grande partie aux tâches quotidiennes comme le travail, les courses, ou les corvées domestiques. Ça ne laisse qu'un temps réduit pour le reste, et c'est dans ce « reste » que nous avons le plus d'espace d'épanouissement.

Or, une utilisation moyenne des écrans pendant 80 ans représente plus de 102 000 heures, soit l'équivalent de 17 années de vie éveillée, ou 213 de nos précieux 1000 mois !

« Ce n'est pas que nous ayons une vie trop courte, mais nous en faisons un mauvais usage. Nous perdons en effet une grande partie de notre existence à poursuivre des choses futiles et à éviter ce qui est nécessaire. » Sénèque

Il est dit qu'il faut 10 000 heures de pratique pour devenir un expert dans un domaine. Pensez à ce que vous avez la possibilité d'accomplir au lieu de scroller ou swiper sur Instagram, Facebook, Tinder et compagnie.

Outre les conséquences prouvées sur notre santé mentale comme le stress, l'anxiété et la dépression, cette situation pose un véritable défi à la possibilité de mener une vie pleine de sens. Car si nous ne prenons pas le temps de méditer profondément sur la question essentielle : « quel type de personne est-ce que je souhaite devenir ? », nous en sous-traitons de fait la réponse à d'autres, qui nous façonneront d'une façon qui sera bénéfique à leurs intérêts — pas aux nôtres.

C'est uniquement en prenant des distances avec les contenus subis que j'ai, pour ma part, trouvé l'espace-temps mental nécessaire pour explorer mon être avec plus de clarté. J'ai pris la pleine mesure de l'obstacle que représentait jusqu'alors l'hyper-connectivité : mon esprit était une poubelle, pleine d'informations inutiles qui encombraient mes pensées et étouffaient ma réflexion.

Je ne retrouverai certes jamais ces précieux moments, offerts sans retour à ceux qui cherchent à exploiter mon attention, mais j'ai fini par identifier un chemin qui vaut la peine d'être exploré.

Chapitre 5 : Reprendre le contrôle de son attention comme clé de la philosophie

J'ai toujours su que les écrans étaient mauvais pour moi, pourtant je passais énormément de temps sur YouTube et Instagram. Depuis des années — depuis toujours — j'essayais de m'en défaire, mais les addictions sont tenaces. Un jour, pas si éloigné, après avoir perdu une demi-journée entière à « scroller », je pris la ferme décision que le moment était venu de reprendre la maîtrise de moi-même et de prendre des actions concrètes pour y parvenir.

Toutes les notifications intempestives avaient déjà été bloquées — je ne reçois que les messages, pas de mails, d'Instagram, Twitter, etc. Le bloqueur de publicité installé sur mes appareils m'avait également préservé des pubs et pop-ups intempestifs. C'était maintenant au tour des plateformes « sociales » de faire leurs bagages. Je les ai simplement supprimées de mon téléphone. Si j'y accède encore de temps en temps, c'est dans une démarche consciente : je ne les consulte plus par réflexe, mais uniquement par besoin et sur mon ordinateur.

Cela s'est révélé bien plus difficile que ces mots ne le font paraître. Ce n'était pas la première fois que j'essayais. Nos habitudes comportementales sont ancrées si profondément qu'elles sont des automatismes. S'en détacher — véritablement, sur la durée — demande une discipline que l'esprit rejette instinctivement.

Cela est dû à l'influence de la dopamine, un neurotransmetteur qui induit des comportements compulsifs en quête de gratification immédiate et de récompenses jamais rassasiées. Le jeu consiste à rééquilibrer notre chimie interne en faisant de la place pour l'autre neurotransmetteur clef : la sérotonine. Celle-ci est sécrétée par des activités bénéfiques comme lire, méditer, contempler et favorise un bien-être stable et une satisfaction durable.

Dans les premiers jours, j'ai donc senti une sensation de manque étrange, une sorte de vide. Sans distraction, je me suis retrouvé face au vide du quotidien. Face à moi-même.

Au lieu de chercher à combler ce vide, j'ai simplement fermé les yeux. Ce geste, anodin en apparence, a transformé mon rapport au monde. Avec le temps, il est devenu un refuge, un retour immédiat vers moi-même, une reconnexion intime qui m'offrait une sensation de calme profond, comme si je rentrais chez moi.

Blaise Pascal disait : « Tout le malheur des hommes est qu'ils ne savent pas rester en paix dans une pièce. » Pourtant, le véritable apaisement naît du silence intérieur. Apprendre à ne rien faire, c'est accepter le vide comme un espace d'épanouissement. Dans un monde où l'on glorifie l'action permanente, redécouvrir l'immobilité devient un acte de résistance.

Détaché des interférences extérieures — du moins, du flux digital — j'ai exploré ma pensée, et comme un architecte de l'esprit, j'en ai structuré les fragments.

"Le premier indice d’une pensée en équilibre, c’est, à mon sens, de savoir se fixer et séjourner avec soi." Sénèque

La méditation a été l'outil le plus efficace pour mener cette transformation. Méditer, c'est poser son attention sur soi-même, c'est apprendre, dans un premier temps, à se connaître, à observer ce qui se passe en nous : les histoires qui s'y racontent, les pensées qui y errent, les émotions qui l'habitent. C'est contempler le chaos de notre esprit, s'y familiariser, lui donner du sens. Et avec le temps, un espace intérieur s'ouvre, une liberté nouvelle émerge.

Bien que je pratiquais depuis des années, le temps libre que je me suis offert m'a permis de m'y épanouir pleinement. De le faire plus souvent, plus longtemps et d'avoir l'esprit bien plus calme durant.

Mais surtout, après avoir médité, de laisser le temps à ses bienfaits de se diffuser en moi.

Je sais que l'on ne peut pas passer sa vie les yeux fermés ou à méditer. On peut cependant choisir où poser son regard. Il est facile, par exemple, de remplacer l'écran par un livre dans les transports et privilégier l'art à la consommation passive de contenu. Lire, c'est nourrir l'esprit d'idées vivantes, faire l'expérience d'une multitude d'expériences humaines, de points de vue et d'émotions.

Mais c'est dans la philosophie et la spiritualité que j'ai trouvé le plus grand réconfort. Les maîtres du passé sont des guides, qui éclairent notre chemin de leur sagesse intemporelle. Ils nous rappellent les principes d'une bonne vie : « Il importe d'éliminer ses défauts en apprenant à les connaître, à se contenter de peu, à accepter ce qui ne relève que du destin et à savoir rester joyeux même dans le dénuement », écrivait Tang Zhen.

Dans quel but ?

Parvenir à l'ataraxie ? Cet état de sérénité où les perturbations extérieures perdent leur emprise sur nous. Ou l'eudaimonia ? Comme l'exprime Aristote, et qui ne désigne pas un simple bonheur éphémère, mais l'accomplissement profond de notre potentiel, une vie guidée par la raison et la vertu.

La réponse se manifestera à celui qui la cherche pleinement.

Et dans cette démarche, chaque petit choix compte. Il ne s'agit pas de renoncer au monde moderne, mais de l'habiter autrement. Transformer notre rapport au temps, apprendre à ralentir, à savourer chaque instant sans chercher à le remplir compulsivement. C'est dans cette attention retrouvée que réside la véritable liberté.

Conclusion :

Dans un monde où notre temps et notre attention sont les biens les plus précieux, en reprendre la maîtrise devient un acte de résistance. De ce combat de chaque instant pour nous détacher des manipulations extérieures naîtra la libération de notre esprit. La philosophie nous prépare à cette reconquête : affûter la conscience, questionner ses automatismes et cultiver le silence intérieur. Le chemin vers une vie pleine de sens ne passe pas par la poursuite frénétique de distractions mais bien par l'exploration de notre monde intérieur. Comme le disait Socrate : « La vie non examinée ne vaut pas la peine d'être vécue. »

N'est-il pas temps d'examiner la nôtre ?

R.

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