
Devenir l'architecte de son être
"Imaginez un immense tas de pierres, chacune renfermant un fragment de votre être : des souvenirs doux, des peurs pesantes, des rêves lumineux. Chaque jour, nous les agençons, conscients ou non, pour bâtir notre temple intérieur. Embarquons pour un voyage intérieur et transformons ce chaos en une œuvre harmonieuse de sagesse et d’équilibre."
VISUALISATION
Visualisez un immense tas de pierres. Il est si grand que vous vous sentez petit à côté. En les observant, vous remarquez qu’elles ont des formes, des tailles et des couleurs différentes. Certaines sont ocres, d’autres rouges, il y en a des noires lisses, et des vertes rugueuses.
Prenez-en une en main, vous sentez une sensation de chaleur en la touchant. Elle représente pour vous un souvenir d’enfance, doux à votre cœur, et vous évoque une sensation lointaine de bien-être. Vous sentez un sourire s’épanouir sur votre visage à son contact. Vous la posez près de vous et en prenez une autre. Celle-ci, froide, vous apparaît comme une peur, bien présente en vous, une angoisse qui vous suit depuis des semaines, sournoise et pesante. Vous vous en débarrassez rapidement, essayant de la jeter le plus loin possible, hors de vue, mais elle est lourde, si lourde, qu’elle s’écrase dans un bruit sourd, à peine à quelques pas de vous.
Vous vous retournez vers le tas et vous saisissez une roche turquoise, presque ronde, délicate au toucher. C’est un espoir, une aspiration profonde, un rêve. Celle-ci, vous ne savez pas si vous devez la garder près de vous ou écouter la petite voix qui vous dit de creuser un trou et de l’enfouir à jamais.
Chacune des pierres de cet amas est un élément qui, soit fait partie de notre être, au sens où il émane de notre individualité, comme un trait de caractère ou le sentiment d’amour que nous ressentons pour un être aimé, soit il peut faire irruption en nous, comme une expérience qui nous est arrivée, un mot qu’on nous a dit, ou un événement qui s’est placé sur notre chemin.
Celui que vous imaginez prenant les pierres est, dans le meilleur des cas, votre raison éduquée aux qualités de sagesse, de tempérance, de bienveillance et de contentement. Ou bien, comme trop souvent, une force indisciplinée, avide, peureuse, indécise et myope.
Mais qu’elle soit éduquée ou indisciplinée, consciemment ou non, elle agence les pierres et forme notre être.
Selon vous la main de cette histoire, est-elle sage ou indisciplinée ?
Prenons maintenant une nouvelle pierre. Celle-ci est grosse, terriblement lourde et solide. Elle contient la connaissance que nous avons glanée dans nos lectures des philosophes anciens. Nous la taillons en plusieurs blocs plus petits et, dans le processus, nous nous familiarisons avec sa texture, avec son odeur. Le son qu’elle émet au contact de l’impact du burin devient une mélodie envoûtante. L’effort de l’œuvre nous renforce le corps et l’âme. Une fois de la bonne forme, nous les plaçons soigneusement, une à une, dans des tranchées creusées dans le sol.
À côté d’elles, nous plaçons une autre pierre, qui est une pensée de sagesse partagée par un inconnu croisé au hasard. Et encore une autre, qui est une expérience passée, douloureuse sur le moment, mais dont nous avons appris la leçon.
Avec ces pierres, et bien d’autres qui nous sont personnelles, intimes, nous posons les fondations solides de notre être. Ces fondations nobles vont nous permettre de bâtir au-dessus un édifice stable – et avec une vision claire, raffiné.
Nous avons, au commencement de notre chemin vers la découverte intérieure, peu de prise sur les pierres à notre disposition. Ce qui nous arrive, les contextes dans lesquels nous évoluons, les tendances avec lesquelles nous sommes nés et que nous avons développées jusque-là sont l’origine en manifestation. Il n’est nul besoin de s’y opposer.
Tout, depuis la naissance de l’univers, a concordé à ce que nous soyons ce que nous sommes, vivions ce que nous sommes destinés à vivre. Il nous est présenté ce que nous devons apprendre. Notre art doit consister à affiner notre raison afin d’assembler toutes ces pierres en un temple de sagesse.
Alors retournons à notre œuvre. Sous la main nous passent des désirs et des peurs, des aspirations et des attentes que d’autres projettent sur nous.
Nous les posons, une à une, en conscience et à la lumière de notre sagesse, à leur juste place. Nous devenons l’architecte de notre être. Il est à nous de choisir ce que nous souhaitons édifier de nous-mêmes, des pièces auxquelles nous accorderons le plus d’attention. Les murs seront-ils hauts et couverts de fines dorures ? Ou bien l’ouvrage sera-t-il rustique et chaleureux ?
Au fur et à mesure, le chaos des débuts s’organise et, dans le processus, nous nous découvrons des pouvoirs magiques. Le plus puissant est le pouvoir de transformation : certaines pierres, que nous pensions à première vue être d’un noir profond, s’atténuent lorsque nous les observons à la lumière de notre raison. L’angoisse que nous leur prêtions n’était qu’un film de poussière qui cachait un désir puéril, ou une peur infondée.
Certaines d’entre elles demanderont à être taillées, d’autres polies. Pour certaines, nous ne trouverons pas d’emplacement juste alors que seront tellement précieuses que nous nous attacherons, tel un lapidaire, à les façonner et les porterons à notre cou comme un saphir inestimable. D’autres, au contraire, serviront de gravier pour le chemin. Mais les chemins aussi sont nécessaires...
L’amas initial diminuera, mais ne se tarira jamais. À chaque instant, l’origine nous fait l’offrande de nouvelles expériences, de nouveaux défis, de nouvelles opportunités d’apprendre. Mais souvenez-vous, elle est joueuse et aime se déguiser. Les plus grandes peines arboreront parfois des sourires radieux, alors que de grands bonheurs fleuriront de petits riens.
Depuis les débuts de nos civilisations, architectes et ouvriers ont bâti de sublimes sanctuaires à la gloire de divinités inconnues, espérées. Mais nous sommes, tout à la fois, la source et l’embouchure du divin. Nous sommes l’origine en manifestation. Rien ne mérite alors plus d’attention que la quête de la sagesse, car elle est la plus belle offrande que nous puissions faire. Et, par ce processus conscient de transformation, nous participons à l’harmonie du tout.
Ainsi, chaque jour, pierre par pierre, nous continuons d’édifier notre être, en nous souvenant que, si nous ne pouvons choisir les pierres que la vie impose, nous pouvons, avec art et sagesse, en faire un temple sacré.
R.
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Ce texte est une expérience personnelle
